lundi 30 mai 2011

Décompte et délires ...



De Tomoko Ohmura, Faites la queue!, un album très original. Quarante-neuf animaux, plus un, font la queue. Chacun d'eux a un numéro (49 le lézard, 48 la souris...)et presque tous nous disent ce qu'ils ressentent pendant cette attente sous la surveillance d'une hirondelle vigilante "Silence dans les rangs!Eh bien alors avancez! Un peu de patience!". Remontant la file au fil des pages, on découvre des animaux de plus en plus gros jusqu'au numéro 1: l'éléphant.
Surprise, on découvre sur deux doubles pages que la file d'attente s'allonge sur le dos d'une immense baleine, en fait une attraction de vagues géantes destinée aux animaux.
Un régal à déguster à tous les âges de la maternelle et encore après pour le plaisir de la répétition, de l'absurdité, des dessins d'animaux et des dizaines de petites histoires dans la grande. Le tableau de la fin avec les numéros et les noms des participants est une bonne idée, on en redemande.(L'école des loisirs, 12€)



Moi, Ivan crocodile!
de René Gouichoux et Julia Neuhaus.C'est l'histoire d'Ivan. Le narrateur a six ans et il a l'air d'un petit garçon comme les autres. Sauf qu'à l'intérieur, il est un crocodile. Il n'en profite pas pour faire peur aux autres, il ne sort pas ses longues dents pour impressionner, il est gentil. "Même trop gentil dit la maîtresse" D'ailleurs les autres en profitent, ils l'encerclent dans la cour, ils le poussent, ils crient. Ils abusent. Même un jour, ils lui ont baissé son short pour le laisser là, planté, tout seul. Ivan n'a pas voulu leur faire peur avec ses dents de croco, pourtant il aurait pu le faire s'il l'avait voulu.
Les autres se moquent d'Ivan, ils l'appellent Toufou. Un joli nom pour un crocodile, mais quand même.On comprend que la vie est dure pour lui, que l'amour de sa famille, la protection de sa maîtresse et son refuge crocodilesque l'aident à vivre. Et l'on entend à la fin de l'album combien le moment de l'histoire partagée en classe peut aider un enfant différent à trouver sa place. René Gouichoux a été enseignant, cette peinture de la jungle scolaire sent l'authenticité. J'apprécie beaucoup cette histoire de bizarrerie qui donne à penser. Les collages et peintures de l'illustratrice Julia Neuhaus donnent une profondeur rêveuse à l'album.(L'atelier du poisson soluble, 15 €)



Que se passe-t-il dans la maison quand la nuit s'installe? Maurice Sendak nous avait entraînés dans son cultissime Cuisine de nuit, avant Max et les maximonstres, et on se doutait depuis quelques temps que la vie secrète et nocturne était un domaine propice à la littérature. Voici donc Roland Garrigue qui nous présente Mes petits amis de la nuit, ça commence doucement avec une histoire racontée par Maman au coin de la lampe de chevet sous le sourire quelque peu niaiseux des peluches. Il fait bon dans la chambre, on est bien. Mais voilà qu'on éteint la lampe et que le ton change: la couette se transforme en ours encombrant, les jouets s'échappent avec des sourires sardoniques, les doudous ont des mines d'assassins, même les chaussons se regardent d'un oeil torve. Toute la maison est explorée, on monte même sur les toits, on vole au-dessus du périphérique, on croise le Père Noël, des Loups Garous...Bref on vit des aventures délicieusement effrayantes. Mais le clou de tout cela, c'est qu'on finit par se retrouver tranquillement dans son lit avec ses doudous. Et ça c'est fort. Pour la maternelle et le CP, un petit album cartonné dont les illustrations très amusantes invitent à la rêverie ...Et peuvent rassurer avec un accompagnement pour certains enfants. (De la Martinière jeunesse, 12€)

mardi 24 mai 2011

Bientôt la fête des mères!




L'erreur de Pascal
, un nouveau Florence Seyvos, quel bonheur.
Pourtant la maîtresse du héros, Pascal, est du genre particulièrement terrifiant. Il faut voir comme elle lui parle:
- Alors Pascal, notre cancre national, tu m'as l'air particulièrment idiot ce matin. Tes parents t'ont encore laissé regarder une ânerie à la télévision? Qu'est-ce que tu as fait pour avoir cette tête d'ahuri?
Que répondre à cela? Pascal se lance et invente une réponse à la Antoine Doinel (les quatre cents coups)
- Rien. Ma mère est morte.
S'en suivent de nombreuses péripéties, Florence Seyvos frappe fort et juste.
L'impasse où s'enlise Pascal avec son mensonge se rétrécit petit à petit,sa relation avec sa maman est superbement décrite, l'usage du passé met à distance l'angoisse de la situation. Les affres de Pascal ne nous sont pas épargnées avant la fin de l'histoire réparatrice, et, comme toujours, les dessins de Michel Gay exhalent la tendresse même.
De la même auteure, Florence Seyvos,Pochée est un de mes textes favoris, la meilleure illustration à mes yeux du deuil et de l'absence avec Catalogue de parents de C.Ponti (pour les cycles 3, l'école des loisirs, 8€)





Le ventre de maman, toi dedans, moi devant
, de Jo Witek et Christine Roussey, sur un sujet plutôt rebattu un album très original. La narratrice,une future grande soeur, s'adresse au petit squatter qui occupe le ventre de sa mère . Le ventre grossit, envahit la page de gauche, et s'ouvre sur un bébé de plus en plus mignon et drôle. Le jeu de cachettes réjouira les petits, les illustrations de Christine Roussey respirent la joie de vivre et donnent envie de dessiner. (maternelles, La Martinière, 13,90€)






Pendant qu'on y est, voici Dans, de Ramadier et Bourgeau: un album cartonné pour les tout-petits: on regardera dans une bouteille, dans l'abricot, dans la maison, dans le tiroir, dans la baignoire, dans le lit, dans le cadeau...Pour finir par explorer l'endroit le plus mystérieux: le ventre de Maman. Et là, on trouvera un petit coeur qui bat. Couleurs vives, simplicité et répétitions, un album à manipuler pour les tout-petits (L'école des loisirs)

jeudi 12 mai 2011

Rêvons enfants de maternelle

Lire des choses pour les savoir, d'accord, c'est bien. Et si on lisait aussi pour ouvrir les portes et les fenêtres d'un monde imaginaire qui nous accompagnera toujours? Pour certains élèves, l'invitation au nonsense, à la rêverie et à l'usage de la langue que propose la littérature à l'école est une chance, la clé précieuse d'un univers qui leur appartient ... Cinq propositions pour la maternelle (et ailleurs):




S'échapper d'une île
, un petit album aux couleurs précieuses, illustrant sur un mode légèrement délirant l'enfermement d'un certain Robinson. Requins, cocotiers, thons et radeaux, tout un univers maritime et déjanté envahit la chambre d'un petit ours pendant la nuit. Les illustrations et le graphisme de Coralie Saudo, photos papier journal et trouvailles colorées, servent un texte qui de mot-clé en mots-valise pose un univers maritime et aventureux. Publié chez Millefeuilles, maison d'édition bretonne, cet album s'inscrit dans sa tradition d'histoires (un peu trop) foisonnantes mais propices à la rêverie. Le texte est de Géraldine Collet, on peut proposer l'album dès la section de moyens et s'en inspirer pour l'art visuel (compositions à bases de matériaux et photographie numérique). La suite, tout aussi aventureuse est annoncée: ce seral'assaut du château. On attend avec impatience. (9,90€)



La jungle en haleine
, d'Armelle Renoult, déroule comme une fable l'histoire du lion et du perroquet. Le texte enchaîne expressions idiomatiques et métaphores animales qui pourront devenir des jeux de langage en classe: une haleine de chacal, une langue de vipère, des grenouilles dans le ventre, une cervelle de moineau, une haleine de phoque, muet comme une carpe...On pourra s'en servir pour inventer d'autres images incongrues.La suite de l'histoire nous apprend que toute vérité n'est pas bonne à dire,surtout à plus fort que soi. Les enfants aimeront le défilé d'animaux expressifs et colorés dessinés par Eleonore Thuillier.Dès la section de moyens, publié par une maison du Sud Ouest: Les P'tits bérets (12,90€)




Un mammouth dans le frigo
, de Mickaël Escoffier et Matthieu Maudet.
Noé alerte ses parents au milieu du repas: il y a un mammouth dans le frigo. Un peu tassé, mais bien reconnaissable avec sa trompe enroulée et ses défenses aplaties contre la porte. Pas étonnant de la part de Mickaël Escoffier qui nous a déjà présenté de drôles de chauves-souris et le noeud de la girafe. Donc, le mammouth est tassé dans le frigo, les parents appellent les pompiers qui accourent avec un filet à papillons et un épervier et finissent par se piéger eux-mêmes tandis que le mammouth détale. Forcément, un mammouth en ville ça fait des histoires, surtout lorsqu'il grimpe dans un arbre et refuse de descendre. C'est Flavie, la petite soeur de Noé, qui va le chercher la nuit tombée. Où l'on va comprendre que Flavie n'est pas étrangère à ce mammouth, qu'elle connaît sa faiblesse (les carottes). En fait, il habite dans sa chambre avec plein d'autres monstres débonnaires ignorés des parents. C'est délicieux, les dessins de Matthieu Maudet respirent la gaieté (l'école des loisirs, 12€)




On retrouve l'illustrateur Matthieu Maudet avec Jean Leroy pour un album cartonné noir et bleu intitulé Une faim d'ogre. Un ogre bleu clair, taillé comme une pomme de terre, bat la campagne en rugissant:"J'ai faim!". Tous s'enfuient sur son passage, la sorcière lui propose une tarte qu'il avale comme un comprimé, le loup lui cède un ragoût de cochon (tiens tiens) qu'il avale d'un trait. L'ogre continue à éructer, la sorcière et le loup lui proposent de manger ses petits lecteurs, et ajoutent "On pourrait partager."
- Ah non, hurle l'ogre, pas mes petits lecteurs! Mes petits lecteurs, c'est MOI qui les mange.
C'est drôle et beau, à manier avec d'infinies précautions en section de petits, histoire d'être bien sûr de ne pas leur flanquer une trouille aussi bleue que cet ogre aux gros sourcils. Mais ce que c'est drôle. (l'école des loisirs )



Qui a peur de quoi? En parlant d'avoir peur, Coralie Saudo (citée plus haut pour "s'échapper d'une île")décline comme une comptine rimée (Grégoire a peut du noir, Basile a peur des crocodiles...)l'histoire d'Adrien qui n'a peur de rien. Il faut dire que ça finit par énerver tout le monde cet Adrien qui fait le malin et se retrouve un peu tout seul. Finalement Adrien a peur de quelque chose, lui aussi, et il a besoin des autres, lui aussi. Comme si la peur était parfois le bon ressort pour ne pas rester tout seul. Les élèves devraient aimer ce livre dès la section de petits, les couleurs de Coralie Saudot sont toujours aussi lumineuses et ses illustrations pleines de trouvailles. Publié chez les 400 coups, ce livre à la couverture douce et moelleuse sous les doigts coûte 8€.